Je viens d’une famille où les membres ont tous des grandes mains
Mains d’une terre lourde où toutes les saisons sont humides.
Je viens d’une famille dont les membres ont tous des grandes mains
Mains qui aplatissent, qui façonnent et qui triturent
Mains cornues, mains creusées
Mains d’arpenteurs et de financiers,
Argentiers des rois, bouffons des seigneurs
Mains reçues à la mort du père
Cinq doigts carrés accrochés à la paume
D’un héritage
J’ai reçu un corps sans mains
qui me disait
De ne pas toucher.
Regarde avec tes yeux, pas avec tes mains;
et les mains derrière le dos,
et les mains sur les genoux
et les mains sur la table.
Et un jour, au mitan de ma vie,
Un matin à la fraiche,
j’ai regardé cinq doigts qui éloignaient les escargots serrés sur les bambous
Tuteurs de poivrons et d’aubergines.
Je les ai cueillis.
Sans en parler
Ni à ma tête, ni à mes jambes, ni à ma mère, ni à mon père.
Et ils ont rejoint ces petites mains carrées qui confiturent, qui jardinent, qui pèlent et qui tranchent,
Mes mains , celles qui caressent les creux, loin au coeur de ton corps
Ces mains pleines dont un jour la vie s’échappera
Tomates pelées, abricots écrasés.
La nuit est là