D’où vient l’écriture pour toi ?
Traces, mots,silence de l’enfance. Les mots sont matière. Comme ce que je touche, comme ce que je vois. Parfois légers mais souvent épais, durs, lourds. Avec les mots, j’affronte ce qui m’entoure, mon histoire et le monde autour. Je pars d’abord de mon corps, des sensations entre le dedans et le dehors, de mon environnement proche pour aller ensuite vers l’ailleurs, l’autre. Puis, en aller retour. Je descends dans les profondeurs et je pars à l’attaque. Je troue, je mords, je brise, je renverse. C’est ma façon de dire ma révolte, ma rage…. Mais, au fond de moi, je ne sais pas vraiment d’où ça me vient. Je vais au bord du puits.
« Nous sommes troués de l’intérieur », dit Novarina.
« J’écris pour me parcourir » répond Michaux.
Une porte s’ouvre et ça se dépose… C’est toujours un peu à côté, je n’écris pas ce que je vois mais ce que je crois avoir vu. Les mots sont des lieux d’appel, de présence ou d’absence. Les mots savent de nous ce que nous ignorons d’eux, ils ont leur mot à dire…
Comment travailles tu tes écrits ?
J’ai toujours des carnets. Juste là pour prendre des notes, à tout moment. Ils s’accumulent dans des boîtes. Je ne m’en sers pas souvent. Mais ils sont essentiels.
Le premier jet d’un texte vient souvent d’une seule traite. Un état étrange où je ne me censure pas.
Et après viennent les aller-retour, les ajouts et les enlèvements, une marée. C’est un travail par couches, par arrachage et recollage, comme la peinture. C’est à ce moment que je passe sur l’ordinateur. Je travaille par fragments, je récupère ce que j’avais jeté. Je me relis souvent à voix haute pour retrouver du rythme,un souffle dans ce grand chantier.
Que t’apporte l’écriture ?
Une place dans ma vie. Elle me construit.
De nos premiers gribouillis sont nés nos premiers signes, nos premières lettres. Mais avant d’être
posées sur le papier, l’écriture est en nous, rides, marques et cicatrices sur notre corps.
L’écriture, ce n’est pas facile parce qu’elle engage, comme la peinture, tout mon être. Je continue à chercher chaque jour le chemin.
Au commencement étaient les mots, les mots précèdent les choses, comment les accueillir ?
Quel lien fais-tu entre poésie et écriture ?
La poésie, ces sont des rythmes, des sons, une matière en incandescence. Comme la peinture. Je ferais plutôt de ce lien là une évidence puisque je peins et j’écris. Les deux sont mêlés, je passe sans cesse du pinceau à la plume. J’aime la littérature jeunesse, je l’ai longtemps partagée avec les enfants. Il y a des merveilles dans les albums, dans ce mélange entre les mots et les images..
Dans la poésie, il y a aussi, comme dans la peinture, la récupération de textes, de mots, de signes, de tout ce qui garde trace d’un usage, d’une histoire passée…
Mon intervention, c’est ce jeu, cette recherche d’un cadre, d’une direction, d’un champ pour ce qui surgit…
Quelle serait ta bibliothèque idéale ?
Je lis très lentement et je n’ai donc pas beaucoup lu mais quelques livres, quelques auteurs m’ont marquée, dans ce rapport à l’écriture et à la vie comme H. Bauchau , H.Michaux, V. Novarina, ou le livre de l’intranquilité de Pessoa,
Il y aussi A. Appelfeld et Primo Levi, Semprun …
Puis les poètes comme A. Césaire, A. Emaz, K. White.
Quelques auteurs belges aussi comme Eugène Savitskaya, Adamek, Michel de Ghelderode…
Et une dernière découverte A. Mouawad, Anima.